Youssoufou Ouédraogo

Youssoufou Ouédraogo

Non-formation en protection des droits humains, un cache misère.

De plus en plus, on insiste sur la nécessité de former en droits humains (DH) nos FDS et VDP pour prévenir nos risques de fracture sociale majeure. Exemple, dans un article de Lefaso.net du 15 janvier 2023, il est dit vers la fin :

 

"Une vieille menace est le risque de guerre ethnique et d’extermination des peulhs si le pouvoir ne forme pas l’armée, les VDP, les Koglweogo et Dozos à la protection des droits humains pour prévenir et empêcher les massacres de peulhs dont le dernier à Nouna a fait 28 victimes."

 

La formation en DH, oui ! mais faut-il y subordonner le risque de « guerre ethnique et d’extermination des peulhs » ?

 

Rappels

 

Les DH (comme ensemble de concepts) sont des constructions référencées (lieux et périodes) dans leurs contenus. Ces contenus sont censés alimenter ou influencer la Loi et les codes du pays par internalisation, intégration, appropriation, etc.

 

Chez nous (certainement ailleurs aussi), plusieurs données ont contribué à évider ces DH de leurs valeurs socioaffectives mobilisatrices initiales (fin années 1980 - début années 1990). Ils sont devenus un domaine d’expertise tiède « vendue » comme telle, sans valeur d’engagement subjectif. De plus, par leurs usages comme prétexte d’ingérence de certaines puissances étrangères dans nos pays, comme voie détournée de conquête ou de reconquête du pouvoir par certaines organisations et personnes, par leurs invocations à géométrie variable, etc. ils ont été souvent pris en défaut, discrédités et disqualifiés aux yeux de certains citoyens. La réalité est que tout cela « isole » et expose à une vindicte faussement populaire puis à d’éventuelles représailles, ceux qui tentent de les vivre (en temps réel) comme engagement, comme élément constitutif de leur système de valeurs.

 

Mais en vérité, avant, pendant et après la conceptualisation des « droits humains » comme tels, comme expertise et discipline de formation, nous étions, nous sommes et resterons intentionnellement des humains. À ce titre, nous avons plus ou moins vaguement (ou plus ou moins clairement) une appréhension commune du bien vs mal, du juste vs injuste, etc. Cette appréhension commune (en direction de nos congénères humains) est faillible certes, mais elle est tout aussi perfectible. C’est à cette fonction que peut être affectée une formation en DH. Mais avec ou sans cette formation, nous avons à nous en tenir à nos appréhensions communes, somme toute humaines, par un élan volontaire, un effort subjectif.

 

Les seules formations qui vaillent pour cette catégorie d’acteurs (FDS et VDP) sont celles aux combats anti-terroristes, et à leurs exigences éthiques dont le respect des lois et règlements de notre pays. Le tout, et ce n’est pas le plus facile, dans une adversité à potentiel déshumanisant, il faut le reconnaître, et un en-face perfide, sans éthique ou morale détectable, et sans pitié.

 

Être humain devrait suffire.

 

Concrètement, en tant qu’humains mus par des systèmes de valeurs, nous n’avons pas besoin d’avoir bénéficié d’une formation ad hoc (en « droits humains » par exemple) pour comprendre (afin de dénoncer), entre autres qu’on ne saurait :

 

  • « punir » de massacre, une suspicion de complicité sur base ethnique ou d’apparence physique, vestimentaire ou autre, comme à Yirgou (1-2 janvier 2019) ;

 

  • massacrer plusieurs dizaines des femmes sans fusils, sans « griffes » ni « crocs » en « mission » d’approvisionnement en eau potable (24 décembre 2019 à Arbinda) ;

 

  • débarquer nuitamment et massacrer des paisibles populations, femmes, enfants, malades, etc. dans leur sommeil, comme à Solhan (4-5 juin 2021), à Seytenga (11-12 juin 2022), etc. ;

 

  • enlever nuitamment un être humain de son sommeil domestique et aller le tuer, « châtiment » le plus extrême qui soit, si toutefois on peut y parler de châtiment, sans autre forme de considération (Nouna, 30-31 décembre 2022).

 

Et chaque fois que ces choses arrivent, qu’on le veuille ou non, ce sont nos projets personnel et collectif d’humanité qui sont déstabilisés ; d’où un certain inconfort. Cet inconfort est encore plus prégnant quand des suspicions ou des réalités désignent ceux qui agissent au nom de la sécurité nationale, de notre ambition de vivre-ensemble. Et évoquer leur non-formation en DH devient juste un cache-misère.

 

En effet, il ne viendrait à l’esprit de personne d’excuser ou d’absoudre les terroristes pour leurs tueries parce qu’ils n’auraient pas reçu de formation en protection des DH ! Et aucun citoyen, aucun soldat ou VDP ne saurait se targuer de non-formation en protection des DH pour justifier des actes d’inhumanité (ou illégaux) qu’il viendrait à poser.

 

Pour terminer

 

Dans la lutte anti-terroriste comme face à toute autre épreuve, M. « Tout-le-monde » peut comprendre ce que c’est qu’une dérive (à distinguer des bavures, réputées accidentelles). Il sait qu’on ne doit pas tuer froidement un présumé coupable, c’est-à-dire un présumé innocent, au nom d’une cause nationale ou de tout autre idéal humain. Cela est inconditionnel ou devrait l’être. De même, pour reconnaître ces dérives et les dénoncer comme telles, être humain et le convoquer face à l’épreuve suffit ou devrait suffire : nul besoin d’une trajectoire spéciale ou d’une « œuvre » particulière en direction ou au bénéfice des victimes ou des bourreaux putatifs. Autrement, c’est la cause nationale ou l’idéal qui serait à interroger.



11/02/2023
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