Youssoufou Ouédraogo

Youssoufou Ouédraogo

Intellectuel, un débat interminable

Dans l’esprit du débat pour nous enrichir mutuellement, pour offrir des clés et instruments d’amélioration de l’existant (au sens large), voici deux extraits de "Vivre ensemble, au-delà du slogan" (2018).

 

E1 : [… quand on invite un Constitutionnaliste pour parler de Constitution, c’est sa fonction d’Expert … qu’on sollicite prioritairement ; et en réalité, ce n’est pas si libre qu’on pourrait le croire, la fonction étant tenue par des standards académiques et le marché de l’expertise. Par contre, si on l’invite sur un sujet de traitement de l’information par les médias, on sollicite d’abord sa fonction d’Intellectuel, ses capacités de réflexions et d’analyses génériques, hors gagne-pain et codes académiques et donc, potentiellement plus libres. Ce volet du débat public reste pratiquement confidentiel à travers quelques initiatives isolées de prises de parole publique (tribunes, ouvrages, productions artistiques, etc.), alors qu’elle est tout aussi riche et fertile, sinon plus, en termes d’originalités et d’innovation de la pensée et pratiques politiques. Et au contraire de la parole experte, la parole intellectuelle n’est pas typée par des schèmes et savoirs académiques déjà codifiés. Par ce déséquilibre de visibilité expert vs intellectuel, le débat national est régulièrement coincé là, recherchant désespérément des réponses expertes, bien souvent inertes et immobiles, à des préoccupations mobiles et dynamiques de gestion de la cité.]

 

E2 : C’est une note de bas de page, à propos de l’intellectuel : [Celui qui se « mêle de ce qui ne le regarde pas » selon Jean Paul Sartre, « Créateur d’idées [et] spectateur engagé » selon Raymond Aron, « un être paradoxal, que l’on ne peut pas penser comme tel aussi longtemps qu’on l’appréhende à travers l’alternative obligée de l’autonomie et de l’engagement, de la culture pure et de la politique [qui engage] un savoir » selon Pierre Bourdieu, celui « qui interpelle en permanence les décideurs au sujet des catégories universelles du vrai, du bien, de la justice, de la liberté » selon Pierre Nakoulima]

 

Ces extraits résument mon approche fonctionnelle de l’intellectuel (vs expert, en l’occurrence), qui est aussi l’approche originelle du concept (selon ma compréhension). « Pour défendre l’innocence du capitaine Dreyfus, des centaines d’écrivains, d’artistes, d’universitaires font publier un texte, le 14 janvier 1898, que le directeur du journal l’Aurore titre : Manifeste des intellectuels, consacrant ainsi la substantivation de l’adjectif intellectuel pour appréhender un ensemble d’individus qui n’est pas aisément définissable sociologiquement » (Pierre Nakoulima dans une tribune, Bendré et/ou L’Evènement).

 

Pour moi l’intellectuel ne peut pas être détaché de l’espace public. Sous ce postulat, un physiologiste, par exemple, se sentirait plus à l’aise dans l’approche originelle, fonctionnelle rappelée dans la note ci-dessus. Parce que ses savoirs (de physiologie) accumulés ne sont presque pas sollicités comme tels dans le débat public. S'il devait s'y tenir, il ne pourrait donc y avoir (ou y jouer) un rôle d’intellectuel, différencié de M. Tout-Le-Monde. En revanche, pour le politiste, le sociologue et tous les autres dont les domaines d’expertises sont indispensables et directement consommés par le débat public, je n'en sais rien, mais il peut en être autrement.



13/08/2023
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