Des réseaux sociaux, comme du livre
Il y a quelques semaines, je suis tombé sur ce vieil article de la célèbre revue Esprit : Steiner, George, and Dorothée Marciak. “La Haine Du Livre.” Esprit (1940-), no. 311 (1), 2005, pp. 6–22. JSTOR, consultable sur http://www.jstor.org/stable/24250950.
Ce qu’on reproche aux réseaux sociaux de nos jours, on l’a reproché aussi au livre en sa période de pleine ascension. Il y a eu deux courants contestataires du livre.
Extraits sur le premier courant :
[Le premier, je l’appellerai le « pastoralisme radical ». On peut le voir à l’œuvre dans l’utopie pédagogique de Rousseau dans l’Emile, dans le diktat goethien selon lequel l’arbre de la pensée et de l’étude reste éternellement gris, tandis que celui de la vie en actes, de la vie-force et de l’élan vital est vert. Un pastoralisme radical anime la pensée de Wordsworth lorsqu’il affirme qu’une « impulsion printanière sur l’arbre » vaut bien plus que toute l’érudition livresque. Quelque éloquent ou instructif qu’il puisse être, le savoir que donnent les livres, et la lecture, viennent en second. Ils parasitent la conscience immédiate.]
Plus loin, il est dit
[« Je fus dans une imprimerie aux enfers, écrit Blake, et vis la façon dont se transmettait le savoir de génération en génération. » La sixième chambre des enfers est habitées par des créatures spectrales, sans nom, et qui « prenaient la forme de livres, que l’on disposait dans des bibliothèques ».]
Extraits sur le second courant :
[Le second courant de contestation du livre présente des affinités avec celui du pastoralisme radical, mais lorgne également en arrière vers l’ascétisme iconoclaste des pères du désert. La question pose est : en quoi les livres peuvent-ils être d’un quelconque bienfait à l’humanité souffrante ? Quels affamés en ont été nourris ? Cette question a été posée par certains nihilistes et révolutionnaires anarchistes au tournant du XIXe siècle, et surtout dans la Russie tsariste.]
Plus loin, il est dit
[Comparée aux besoins humains et à l’extrême misère, la cote d’un manuscrit rare ou d’une édition princeps (cotes qui atteignent aujourd’hui des sommets de folies) est, pour les nihilistes, une totale obscénité. Pisarev le dit violemment : « pour l’homme du peuple, une paire de botte vaut mille fois plus que la collection des œuvres complète de Shakespeare ou de Pouchkine. »]
A coté de ces contestataires, évidemment, il y avait aussi les défenseurs.
Extrait :
[En 1821, en Allemagne, Heine, amené à se prononcer sur une période de flambée nationaliste où des livres furent brûlés, remarquait : « Là où aujourd’hui on brûle des livres, demain on brûlera des hommes. »]
Par la suite, l’article traite de « Nouvelles menaces » du livre et « Le scandale du livre ». Comme tout instrument, c'est son usage qui fait la différence.
C'est pour dire que face au champ à cultiver, il ne faut pas se contenter de dénoncer la présence des singes, il faut aussi leur disputer la daba.
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