Youssoufou Ouédraogo

Le 23 février 1974, le Président Sangoulé Lamizana prononçait son Discours d'Orientation Générale (DOG). Bien que datant d'il y a près de 50 ans (deux générations), les extraits ci-dessous nous parlent toujours. Nous sommes en mi-2023, après :

• huit présidents dont (seulement) deux civils ; et deux présidents arrivés au pouvoir à moins de 35 ans, minimum constitutionnel dans la plupart des pays du monde; à la clé, le record du plus jeune président du monde en date (4 juin 2023) ;

• sept ou huit coups d'états réussis, et trois républiques ;

• une insurrection populaire, un coup d'état mis en échec par un rejet populaire puis militaire.

-----------------

Extrait (Page 90) du livre de Kaboré Roger Bila, 2001 : Histoire politique du Burkina Faso 1919-2000. Paris, L’Harmattan, 668 p.

[Le DOG est le document doctrinal d'une nouvelle idéologie lamizanienne, le "Renouveau". La doctrine du Renouveau allait ainsi inaugurer un catalogue d'idéologies dont le plus petit commun multiple ou le dénominateur commun était le "R". Parti du "Renouveau", on en viendra en effet au "Redressement", puis à la "Révolution" pour terminer par la "Rectification". Ailleurs, en Afrique, le "Renouveau" venait se ranger aux côtés d'autres trouvailles telle "la Rédemption" au Ghana, la "Nouvelle Marche" au Togo, "l'Authenticité" au Zaïre, etc. En guise de définition du contenu du Renouveau, le Général expliquait :

"Au vocable de Révolution qui implique un choix entre bons et mauvais voltaïques, nous avons préféré celui de Renouveau qui suppose, dans notre esprit, que tous les voltaïques sont en mesure de dépasser leurs ambitions personnelles d'un temps révolu pour se mobiliser en vue de l'œuvre commune d'édification nationale... ".

Manifestement donc, le Général voulait bien prêcher un changement, mais un changement dans la continuité. Il ne voulait surtout pas parler de révolution, par tempérament sans doute, parce qu'il ne voulait pas trop de remue-ménage chez ses chers voltaïques. Continuant son propos, le Général mit en garde ceux qui s'opposeraient à sa nouvelle politique :

"Dans l'esprit du Renouveau, tout refus à l'œuvre commune, même la simple indifférence, devra s'interpréter comme une atteinte à la sécurité du peuple voltaïque. Il n'y a rien que nous ne puissions sacrifier à cette sécurité qui nous est absolument nécessaire...".]

Autres extraits du DOG, p 451 à 460 du même livre.

« D'aucuns prétendent que l'événement du 8 février 1974 a porté ou risque de porter un coup mortel à la démocratie, effectivement instaurée et pratiquée par nous-mêmes, que le régime parlementaire qui en est le dépositaire a précipité dans le gouffre. Si l'Armée du Peuple au service du Peuple ne veut pas être le fossoyeur des libertés démocratiques, elle ne peut non plus se permettre d'assister en spectateur inconscient à la mise à mort de notre pays pour le plaisir d'un respect irresponsable de formules certes satisfaisantes pour l'esprit mais néfastes pour tous, quand leur application menace la cohésion nationale. »

« Pour cette tâche gigantesque d'édification nationale, quelque farouche que soit sa volonté de réussir, la Haute-Volta ne peut à elle seule venir à bout de ses innombrables difficultés. La coopération internationale, loin d'être la panacée à nos maux ou encore moins leur solution miracle, doit néanmoins nous permettre de supporter le mieux possible le fardeau qui nous revient. »

« En matière de politique d'aide tant bilatérale que multilatérale, la Haute-Volta, sans renoncer à son désir de franche coopération, s'attachera à mieux affirmer sa personnalité et sa souveraineté dans ses relations internationales. En effet, si l'aide technique actuelle lui est utile, considérée sous certaines formes, elle ne lui procure pas le maximum de profit. L'aide, pour répondre aux fondements réels et aux vertus de la solidarité internationale, devra en toute circonstance respecter les options essentielles du pays bénéficiaire. Dans tous les cas, nous ne devons pas oublier que la meilleure assistance technique est celle qui a pour but de mettre fin aussi rapidement que possible à l'assistance technique ».

« Pour chacune et chacun de nous, le Renouveau doit être avant tout un changement profond dans nos mentalités qui débouche sur une plus grande confiance en nous-mêmes et en nos propres valeurs nationales.

C'est seulement dans l'esprit d'un tel Renouveau soutenu par des méthodes rationnelles de travail en équipe dans la concertation et avec le souci de l'unité d'action, que nous pourrons valoriser notre patrimoine physique et nos richesses culturelles. »