Youssoufou Ouédraogo

Youssoufou Ouédraogo

Encore une fois, la république s’éclipse à l’épreuve

Nos paradoxes compliqués nous jouent des tours. Par exemple, le cliché type de femme belle (dans nos « rêves », contes, proverbes et assimilés) c’est la « poug-zaïnga », la « mousso-gwê », la « teint clair comme ça », etc. Dans le même temps, nous pensons réussir la lutte contre la dépigmentation artificielle de la peau par des dénonciations vigoureuses et « indignées ».

 

Dans la même logique, comment développer des réflexes républicains quand la république (le Faso) elle-même se tire dans les pieds ou s’éclipse à chaque épreuve nationale ?

 

Des différents communiqués sur le drame du vendredi 27 août, une constante revient dans leurs chutes, les appels à la "tolérance" et au "pardon". Peut-être pour être dans l’air du temps, réconciliation inspire ! Mais plus que cela, les appels et les rappels à l’esprit de la république sont hésitants, voire complétement absents. On est dans l’esprit de ce qui se passe dans les différends fonciers, où l’on pense que ça va s’arranger avec la « tolérance » et le « pardon ».

 

Dans ce genre de situations, générateur de fortes émotions au point de faire perdre la raison et la mémoire à certains concitoyens, les institutions, à travers leurs représentants, ne devraient pas relâcher quant aux appels et aux rappels relatifs à l'obligation de recourir aux institutions du Faso, en dépit de leurs insuffisances. Pour éviter les routines exécutées par acquit de conscience, on peut assortir ces rappels de statistiques ad hoc : exemple, en 2019, au niveau des tribunaux, il y a eu 642 cas enregistrés de "blessures et homicides involontaires" (les accidents mortels font partie de cette rubrique). Dans le même temps, 301 jugements y relatifs ont été rendus (voir "Annuaire statistique de la justice 2019" p. 78 et p. 97). Ces statistiques, quoiqu'on puisse en dire, prouvent que sur la préoccupation, quelque chose se fait. Ils peuvent rassurer et donner de l'espoir, quant aux efforts faits par la république (le Faso) pour s’installer dans les routines nationales. Et alors, chacun pousse, en meilleure connaissance de cause, pour que cela se fasse conformément à l’intérêt général.

 

Il ne faudrait surtout pas confondre les genres. La république gère les différends par des lois, règlements, procédures, instructions, formulaires, etc. établis et applicables/opposables à tous. La tolérance, le pardon, et toutes les autres considérations liées aux ressentiments de tous ordres sont insondables, surtout « incodables », et donc non directement gérables par les codes de la république. Leur prise en charge, particulièrement complexe et variée chez nous, est l'affaire d'autres acteurs qui ont les compétences (aptitudes et attitudes) nécessaires pour ce faire.

 

La république peut-elle répondre aux questions, "tolérance" pour quoi ? et "pardon" de quoi ? à plus forte raison en tirer les conséquences pratiques, mettre en œuvre des réponses, sans se renier. Car, une fois les responsabilités et ou les culpabilités situées après instructions des faits, comme on l'attend, les responsables/coupables pourraient-ils invoquer, en miroir, la "tolérance" et le "pardon" ? Et le cas échéant, pour bénéficier de quoi d'autre que d'une impunité (partielle ou totale) ?

 

Paix aux âmes des disparus et courage à leurs survivants



30/08/2021
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