Youssoufou Ouédraogo

« …des sexes disparaissent au contact de certaines personnes et réapparaissent dès qu’on arrive à la Police ; du riz avarié est transformé en riz en plastique d’origine chinoise ; des femmes mettent bas des chiots ; des sorcières surprises par le lever du jour, exactement comme dans les contes, deviennent des chèvres, etc., etc. Bref, tout se passe comme si on jouait à s’abêtir à qui mieux mieux pendant que le monde avance. C’est humain, encore une fois, mais lequel ? » (Vivre ensemble, au-delà du Slogan paru en 2018, p. 166).

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Chacun est libre de prendre son village pour l’Afrique et ses parents pour modèles d’africains. Mais que l'Etat se tienne hors de cela.

On peut comprendre qu’un citoyen sans accès à des services et conseils en psychologie, psychiatrie, sociologie et autres s’en remette aux fétiches de sa famille, de son quartier, de son village, voire à un célèbre fétiche "international" dont il aurait eu vent. Cela reste privé et libre : si ça marche, c’est pour lui seul ; si ça foire, c’est pour lui tout seul. L’expérience montre que ça foire, en général, sinon, la santé serait notre "maladie" et le bonheur, notre "ennui".

On peut comprendre qu’un citoyen instruit à "l’école des blancs", [vivant dans des conforts et commodités de "petits-blancs", éclairage SONABEL ou asiatique, dans une maison et parcelle avec des installations et équipements industriels et scientifiques de sécurité ; se déplaçant en véhicule motorisé à deux roues ou plus, communicant et faisant affaires avec un téléphone portable connecté], veuille faire croire qu’il est protégé par ses ancêtres ou d’autres esprits ; esprits avec lesquels il peut communiquer pour prendre des consignes infaillibles, pour envoyer la foudre sur qui il veut (y compris sur les terroristes, on suppose), envoyer des objets (des munitions peut-être) à qui il veut par la pluie et le vent, confectionner des habits anti-balles, etc. Celui qui y croit, c’est pour lui tout seul. Celui qui n’y croit pas, c’est pour lui seul. Cela reste privé et libre.

On peut aussi comprendre qu’un candidat quelconque parcoure les fétiches du pays pour quémander soutien ; qu’il dépose des œufs, galettes et argent (tiens !) sur les chaussées bitumées, et prenant les consignes de son maitre-féticheur via téléphone portable venu d’Asie et connecté à Internet via 4G ou fibre optique, tous produits de la science [Des œufs de pondeuses sélectionnées et croisées par nos chercheurs formés à "l’école des blancs" ; des galettes à l’huile extraite par des "machines de blancs" manipulées par des techniciens formés à "l’école des blancs" ; chaussée calculée par des ingénieurs "petits-blancs", tracée et construite au Caterpillar, avec goudron importé et autres]. Là également, si ça marche, c’est pour lui seul ; si ça foire, c’est pour lui tout seul. Et l’expérience montre que ça foire, en général, sinon, ceux qui y recourent seraient tous élus ex-aequo présidents ou autres.

On serait même compréhensif qu'un parti politique, un syndicat ou une OSC enterre à son siège des talismans pour attirer des militants, des gris-gris anti-grenades lacrymogènes ou pour gagner des sièges à l'ALT, et fasse jurer ses responsables sur les "fétiches" des lieux (il y en a toujours). Cela n’engagerait que cette organisation, et ses militants ont le choix : on ne les y a pas attachés.

On peut également comprendre, accepter ou reconnaître volontiers que des personnes singulières aient pu tirer ou tirent bénéfice de ces nombreux fétiches ! C'est leur chance, c’est leur "partage" comme on dit. Bon vent à eux !

MAIS ON NE PEUT PAS LE COMPRENDRE POUR UN ÉTAT, AU NOM D’UN PAYS, AU NOM D’UNE AMBITION COMMUNE DE CITOYENNETÉ, ET DE CONSTRUCTION D’UN ÉTAT-NATION, TRANSCENDANT TOUT GROUPE INFRA-NATIONAL.

Dans un post du 26 février passé, je rappelais que les peuples indiens se sont résolument tournés vers la science universelle, grâce à laquelle ils ont construit leurs puissances technostructurelle et nucléaire, et conquis du respect de leurs ex-colonisateurs et des autres peuples du monde.

Sous nos yeux, c’est grâce à la science, universelle, que le "zampon" (synonyme de mauvaise qualité) des années 1960 a envahi les routes et pistes du monde entier de véhicules de tous ordres dont les solides pickups que nous achetons et aménageons pour nos besoins de combats anti-terroristes.

C’est grâce à la science que les dédaignées "shinore" (chinoiseries) des années 1970 et 1980 sont devenues des monstres technologiques mondiaux de la fin XXe et début XXIe siècle, et ont colonisé notre quotidien qu’elles marquent jusqu’à la culotte (ss).

Nous, pour espérer un mieux-être et le respect des autres peuples, certains veulent nous confiner à égorger des poulets, à offrir des œufs et des galettes, de l’eau fraîche et du dolo aux esprits de nos ancêtres. Et quels ancêtres ? Pour braves, courageux et dignes qu’ils furent, ils ont été vaincus, soumis, assujettis, humiliés de pères en fils, sur plus de 52 générations consécutives (13 siècles). Les millions de poulets sacrifiés aux esprits n’y ont rien pu. En tant que "peuples Noirs" nous sommes depuis tout ce temps "la risée et les larmes de l’humanité". Le terrorisme au Sahel bien sûr, la Tunisie, la RDC, entre autres, sont nos violentes démangeaisons du moment, et nous nous grattons toujours autant. Sommes-nous les seuls à avoir des ancêtres, ou, nos ancêtres sont-ils les seuls à avoir des esprits ?

Si c’est aussi facile, s'il y a un déterminisme, que les gardiens de nos fétiches nous exorcisent donc ! Qu’on implore donc les esprits de nos ancêtres "déshumanisés" et humiliés depuis le VIIe siècle par les ancêtres des "autres".

Après quoi, que les gardiens de nos fétiches exorcisent le monde pour qu’enfin l’humanité bénéficie de nos lumières, de notre "science" si particulière, si spécifique, si "efficace", si "productive". Cela, comme nous bénéficions des produits de la science universelle que certains, les mêmes, s’acharnent à imputer aux "blancs".