Commentaires sur la Mise fin de « toutes les activités du projet Target Malaria »
En attendant d’en savoir plus sur la décision du ministère, on est tenté de la mettre en relation avec la conférence de presse de la Coalition de veille sur les activités biotechnologiques au Burkina Faso (CVAB) tenue « pour dénoncer la lâcher de moustiques mâles biaisés génétiquement modifiés. » Au cours de cette conférence de presse, il a été dit :
« Le problème, c’est la solution que propose le projet Target malaria qui consiste en l’élimination du vecteur par des moustiques à impulsion génétique mis au point par la TECHNOLOGIE DU FORÇAGE GÉNÉTIQUE* (souligné par moi) … Cette technologie est très controversée et pose des problèmes éthiques ...
...le forçage génétique est capable d’exterminer toute une espèce. » (Voir https://lefaso.net/spip.php?article140241)
Ces informations rappelées par la coalition sont globalement correctes. Une des plus grandes réserves vient de l’absence, pour le moment, d’un encadrement règlementaire international. Mais le dernier largage ne concernait pas de souches issues de forçage génétique. Le communiqué de Target Malaria le précise : « … il a procédé, le 11 août 2025, au lâcher de moustiques génétiquement modifiés mâles biaisés** SANS IMPULSION GÉNÉTIQUE » (souligné par moi), en d’autres termes, sans forçage génétique (gene drive en anglais).
Le forçage génétique (gene drive) agit sur la probabilité de transmission d’un caractère, qui est artificiellement augmentée bien au-delà des lois « normales » de génétique mendélienne. Le 'biaisage' sexuel concerne un caractère particulier qui est la proportion de sexes dans la descendance, alors très orientée vers les mâles. Des lignées de moustiques combinant gene drive et 'biaisage' sexuel ont déjà été créées et testées en laboratoire au Royaume-Uni et aux États-Unis. En Italie, des travaux sont en cours dans le même sens avec des partenariats internationaux dont Target Malaria.
Des largages similaires (moustiques génétiquement modifiés, mâles biaisés sans impulsion génétique) auraient déjà eu lieu aux Îles Caïmans en 2009, puis 2010 et 2012, au Brésil en 2011, au Mexique en 2012-2015, au Panama en 2014-2016, au Salvador en 2015, États-Unis de 2021-2023. La baisse induite de la population de moustiques a été de plus 80 %. Dans trois de ces pays (au moins), il y a eu de longs débats publics, et le Panama aurait même stoppé le projet sous une double contrainte : défaut de financement et pressions publiques. » (source ChatGPT, interrogé le 25 aout 2025).
Cette éventuelle confusion levée, mon avis de citoyen est que le Ministère de la Recherche doit communiquer de façon unilatérale sur sa décision : mettre « fin » (et pas simplement "à l’arrêt" d’où l’on pourrait repartir) de « toutes les activités » du projet. Parce que jusqu’au 18 aout, soit une semaine après le lâcher, toutes les autorisations avaient été obtenues, cette communication permettrait de maintenir/entretenir la légitimité des instances dédiées aux autorisations et à notre recherche scientifique. Dans la lutte contre le paludisme, notre pays est légitime pour revendiquer un leadership mondial. Et il en a les ressources humaines : nos chercheurs y ont fait de grandes percées (mondiales) ces dernières années.
* Dans les lois « normales » de la génétique, il y a, en gros, 50 % de chance/risque qu’un gène « parental » soit transmis à la descendance immédiate. Mais avec le forçage ou impulsion génétique (gene drive en anglais), on peut pousser ce taux à plus de 90%.
** Les mâles biaisés donnent une descendance statistiquement penchée vers plus de mâles que de femelles (responsables des maladies).