Youssoufou Ouédraogo

On rentre dans la circulation de Ouaga (certainement ailleurs aussi) comme on va en consultation. On ne sait jamais ce qu’on rencontrera dans le flot. On doit se tenir prêt pour toute éventualité.

Mais à coup sûr, on ne peut pas éviter les (coups de) klaxons. Les messages qu’on peut en déduire sont aussi sensés qu’insensés, aussi compréhensibles qu’incompréhensibles, etc. C’est selon la vigueur et la durée des coups de klaxon ; par exemple (ce sont des ressentis, donc subjectifs), quand quelqu’un "vous klaxonne" (burkinabisme de Sid-Lamine Salouka) :

• de loin, fort et longuement, c’est pour vous enjoindre de vite vous ranger parce que lui, il va bruler le feu rouge sans ralentir ;

• de prêt, répétitif et moyennement fort, plus signes des mains, c’est pour vous demander "gentiment" de vous écarter pour lui permettre brûler le feu rouge ;

• de prêt, fort et longuement, plus gesticulations vigoureuses, c’est pour pester contre une mauvaise manœuvre ;

• de près, fort et brièvement, c’est pour vous demander de "disparaître" instantanément pour que lui, il puisse circuler comme s’il était seul au monde ;

• de près et peu fort (gentiment), c’est pour signaler que votre cale n’est pas relevée, que le voile ou large habit risque de rentrer dans les rayons, qu’une de vos roues est dégonflée, ou qu’il y a une fuite d’huile ;

• etc.

En écho à ces klaxons extérieurs, il y a en chacun un klaxon intérieur, pour soi-même et en direction des autres. Il n’est pas interdit de le solliciter mais comment ? Parce que dans le débat public, également, quand on y entre, c’est comme on rentre dans la circulation de Ouaga.

Le klaxon interne correspond à un système d’activation aiguë de vigilance (avec implication comportementale). Il est relié à un système de "mesure des risques" sur l’intégrité (physique et mentale), à son tour relié au système de modulation des peurs/courages.

La clé de voûte est le système de mesure des risques. Chaque fois qu’il y a une menace possible sur l’intégrité, ce réseau déclenche un "son de klaxon" (avertissement) approprié qui va suggérer une conduite protectrice adéquate. La suite relève principalement de ce qu’on appelle "la physiologie subjective", celle individualisée, modulée aux grés d’expériences et d’intellections personnelles, spécifiques.

Le système cérébral de mesure du risque n’est intrinsèquement mature qu’autour de 24 ans (A. Moukheiber, l'auteur de "Votre cerveau vous joue des tours", 2019). Du reste, chacun peut suivre intuitivement cette maturation chez les enfants et adolescents en observant leurs comportements face aux risques immédiats et lointains : leurs "oreilles n’entendent pas les paroles" dit-on dans nos langues locales. Ils ne sont pas les seuls, il y a aussi les politiciens, mais là n'est pas le sujet de ce post.

Cette maturation autour de 24 ans, relativement tardive, expliquerait ce qu’on appelle "l’inconscience des jeunes" qui donne tant d'insomnie aux parents, leur insensibilité apparente aux coups de klaxons. Ce n’est pas pour rien que les ados et légèrement plus âgés sont les plus nombreux dans les sports individuels à haut risque comme les courses à moto, le VTT et autres "moto cross" qu’on voit souvent dans nos rues.