Youssoufou Ouédraogo

Youssoufou Ouédraogo

Nécessité d’un discours autrement implicatif

Dans les années 1970, au sein du mouvement étudiant, dans la structure-type du discours du militant, il fallait un volet « tâches ». Quiconque (section, sous-section ou même militant) "oubliait" ce volet était interpellé pour compléter son discours, en "dégager des tâches".

 

Dans les causeries informelles, il avait été rapporté que lors d’une AG, un camarade agacé par ces interpellations avait lancé à un de ses interpellateurs : « des tâches ! des tâches ! encore des tâches ! toujours des tâches ! allez-y cultiver ! » (de mémoire). C’était aux moments forts de la « lutte de ligne » en France, courant 1978 ou 1979.

 

Et pourtant, « dégager des tâches » (au moins essayer) était un bel exercice. On peut s’y tromper, manquer d’inspiration, etc. mais l’exercice en valait la peine, car clairement implicatif, et engageant. C’était probablement son exigence hic et nunc qui pouvait inhiber le débat, limiter les contributions, voire agacer certains. Mais comme dirait Kierkegaard, « Penser est une chose, exister dans ce qu’on pense en est une autre ».

 

La parole est actuellement très abondante et de toute qualité dans l’espace public et sub-public (réseaux WhatsApp). Dans les mêmes termes, elle est consommée par des acteurs décisifs dont beaucoup manquent de clés d’ajustement (de mise en contexte) comme le recul historique et le détachement émotionnel. D’où le besoin de discours autrement implicatif, ciblé sur la nation (et non sur les soutiens expansifs du moment).

 

Le caractère implicatif agirait comme un sélectionneur par ses questionnements et évaluations des implications possibles et imaginables, d’abord en soi-même et pour soi-même (au sens large), zoomée et dézoomée de tout angle. Le pays, c'est aussi une sommation/intégration des "soi-même" individuels réalisables, qui le mettraient à l’abri de toute rupture, quelles que puissent être les adversités. Sous réserve que le système national de sanction/récompense fonctionne.

 

A contrario, il est très tentant (et facile) de "co-flamber" avec les montées des passions de ses soutiens les plus expansifs. Le danger est que, de nos jours, chez nous, ces passions sont nourries par le terrain des opérations de lutte anti-terroriste. La succession des horreurs côtoyées, vécues ou subies, sont potentiellement affolantes (ss) parmi les combattants psychiquement épuisés. Les conséquences sont des effets désastreux immédiats, expressions desdites passions en temps réels. Karma (usage d’armes de guerre par des "présumés militaires") et Yirgou (usage d’armes blanches par des civils) en seraient des exemples, chacun en son genre.

 

L’implicatif signifie aussi, que pour tout ce que vous ferez et direz, s'il y a des massacres d'hommes, vous resterez justiciable comme Compaoré, Guenguéré et Bassolé (condamnés) ou, dans le meilleurs des cas, comme Gbagbo et Goudé (relaxés après 10 ans de détention). Aucun de leurs soutiens expansifs ou communicants zélés ne les a accompagnés en prison.



03/05/2023
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