Youssoufou Ouédraogo

Youssoufou Ouédraogo

Editorial


Puissions-nous un jour arriver à une société « dialogique » !

Je ne parle pas de dialogue avec les terroristes, mais de celui entre les autres compatriotes. Arriver à une société où pour les uns, les autres aussi sont là et doivent être là, de plein droit (ils n’iront nulle part), les autres aussi comptent et doivent compter.

 

Dans une tribune publiée dans la première semaine de novembre 2014, je rappelais ceci : « Il faut sortir de la politique par l’émotion, jubilatoire, pour rentrer rapidement dans celle du détachement émotionnel et de la réflexion en GARDANT A L’ESPRIT QU’EN ATTENDANT QUE LA JUSTICE EN DECIDE AUTREMENT, NOUS NE SOMMES PAS PLUS BURKINABE QUE CEUX QUE NOUS VENONS DE VAINCRE. Vérité simple, mais encore faut-il sortir de l’émotion pour se donner la force de la constater et d’en tirer les conséquences pratiques pour la suite des événements ».

 

Pour un de nos sociologues, Ouédraogo N. Boureïma, dans « Sociologie des violences contre l’État au Burkina Faso. Question nationale et identités » paru en 2020 (L’Harmattan, Etudes africaines, Série sociologie. p. 167) :

 

« Notre constat est que, si l’on n’y parvient pas, la raison est pour une bonne partie culturelle. Nos sociétés ne sont pas « dialogiques », si l’on me permet d’emprunter ce mot de Jürgen Habermas. Nos sociétés ne sont pas des sociétés de débat public, même si, par le passé, nous avons connu « l’arbre à palabres », qui reste une formule trop imparfaite de l’espace public : étant ni plus ni moins qu’une assemblée de vieux gérontocrates qui se tient sans les jeunes et les femmes. À cela, il faut ajouter l’habitude que nous avons de craindre le changement (…) »

 

Si on actualise en remplaçant « gérontocrates » par « plus forts du moment », et « les jeunes et les femmes » par « les plus faibles du moment », on comprend les blocages vers lesquels l’on semble évoluer, à la sortie de la crise sécuritaire. Sortie promise par le PM et très espérée pour la fin de l’année.

 

Être fort, encore plus pour un homme public, c’est d’abord interne. Notre modèle de force, surtout pour les hommes publics, est d'abord exogène, s’exerçant d'abord sur les autres (et hors codes convenus et connus), très rarement sur soi-même (dans les mêmes termes).

 

De l’occupation anarchiques des espaces publics (qu’on cherche à résoudre actuellement), à l’héminégligence politique (un euphémisme ici), en passant par les intolérances dans la circulation, tout cela prospère sur ce socle sociétal, non « dialogique ».

 

Un pays se construit par intégrations successives de choses déjà convenues et connues, ou à convenir et connaître. Il ne se recommence pas après chaque grande épreuve ou après chaque changement de régime.


10/11/2023
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