Youssoufou Ouédraogo

Youssoufou Ouédraogo

Mes notes sur la gauche: aout et sept 2021

Notes 1: distinguer rassembler et mobiliser

 

"Le piège des régimes communistes et révolutionnaires, c'est l’enfermement dans une dynamique potentiellement autodestructrice. Ce fut aussi celui du régime du CNR, avec pour circonstance aggravante, une onction populaire survenue a posteriori.

 

Cette masse de « révolutionnaires » générée après que la révolution a triomphé n’indique pas grand-chose quant à la profondeur de l’ancrage populaire de ladite révolution. Par-delà le folklore « sloganiste » ritualisé, quelle était la sincérité de ces néophytes ? Et, parmi les plus sincères, quelle était la profondeur de leur engagement ? En d’autres termes, jusqu’où étaient-ils prêts à défendre le CNR en cas d’épreuve, comme celle d’octobre 1987 ?

 

Le constat, c’est que derrière le discours martial et les complots imaginaires ou réels, la première vraie épreuve fut aussi, l’épreuve fatale. Et elle était endogène."

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Note 2 : pourquoi faut-il refuser d’être irréconciliable ?

 

Joseph KI-ZERBO, est resté, jusqu’à sa mort, le plus fidèle allié de la lignée OCV* dans la lutte contre l’impunité, particulièrement dans le dossier Norbert Zongo. Son slogan "nan lara, an sara" résonne dans toutes les luttes actuelles, y compris hors de notre pays.

 

Dans les années 1970, lorsque nous le traitions de Grand Maître des « carriéristes », de « réformiste impénitent et invétéré », cela était en dehors de toutes nos possibilités d’imagination et de projection. Il en était certainement de même, au milieu des années 1980, pour les jeunes partisans du régime du CNR, lorsqu’on l’avait contraint à l’exil, après avoir, entre autres tracasseries, saccagé sa bibliothèque.

Actuellement, dans le jeu politique à gauche, même si c'est flou aux marges, c’est une faute que de réciproquement se renier irréversiblement, que de profaner et saccager ce qui avait uni parce qu’il n’unit plus.

 

Bien au contraire, ces choses sont à identifier précisément, à évaluer afin de capitaliser les convergences (effectives et/ou potentielles) tout ce qui serait à même de ré-unir, conjoncturellement ou plus ou moins durablement.

 

Voilà aussi pourquoi, sauf à son corps défendant, il faut résister aux tentations de lynchage médiatique, et aux discréditations fatales de certaines organisations et personnalités publiques.

 

*Lignée OCV = PCRVistes et sankaristes. Elle domine le "marché" actuel de la gauche dans notre pays. Là également, c'est flou aux marges.

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Note 3: Déranger la gauche

 

"Le confort intellectuel et l’habitude ont horreur des messages qui les dérangent." (Edgar Morin). Pourtant, chez nous, il faut déranger la Gauche, et profondément. Il parait que le "cœur du Burkinabè bat à…gauche".

 

CONSTAT : au niveau national, depuis les indépendances, nous avons eu successivement, les gauches MLN, PAI, puis OCV. Les trois ont coexisté jusqu’à la fin de la deuxième législature de la 4ème république. Actuellement, la gauche MLN a disparu du débat public et Ki-Zerbo survit surtout par son œuvre et engagement intellectuels. La gauche PAI se maintiendrait, de ce qu'on voit, par l’héritage politique de Arba Diallo, pourtant, le moins « bruyant » des dirigeants historiques de ce parti. Ainsi, le "marché" national actuel de la Gauche est dominé par celle OCV, globalement, le sankarisme et le PCRVisme*.

 

SOUS-ENTENDU : les "vieux" débats au sein de l’OCV des années 1970, en l’occurrence, les deux questions essentielles de l’époque, actuellement absents de l’espace public, sont en jachères. Ces questions ne manquent pourtant pas d’actualité ; toute dynamique durable d’agrégation motivée de gauche (à défaut d’unité) ne saurait les contourner : en particulier, la réévaluation du sens (qualité) et du contenu (quantité) de notre souveraineté, non plus de 1960, mais de 2021 et ses projections visibles afin d’en tirer les implications "opérationnelles".

 

RISQUE : réveiller de vieilles passions, des "vieux démons", en rajouter aux cantonnements et aux blocages des interactions plutôt que l’inverse, souhaité et recherché. En cause, ce qui implique publiquement le PCRV est prétexte de déraison pour certains acteurs, par crispations et passions pro ou anti. Ce risque est "affolant", fait certainement peur à certains "témoins historiques" de la gauche OCV, ceux qui ont connu les "débats idéologiques" ou les "débats de ligne" des années 1970 et 1980.

 

ET POURTANT : tout cela doit et peut se banaliser, comme ailleurs, et personne n’en "poussera des cornes". En effet, il y a actuellement, au monde, une vingtaine de partis et organisations communistes "marxistes-léninistes-stalinistes-hoxhaïstes", comme le PCRV : neuf en Europe, six en Amérique latine, quatre en Afrique (Bénin, Burkina/Haute Volta, Côte d’Ivoire, Tunisie) et un en Asie (Iran). Sur les quatre d’Afrique, seul le PCRV est toujours clandestin. Les autres participent officiellement à diverses initiatives et regroupements de gauche et à des élections dans leurs pays respectifs. Celui du Bénin, par exemple, avait appelé à voter Talon contre Zinsou en 2016. [Toutes ces informations sont publiques via n’importe quel moteur de recherche]. Sans présumer des succès/insuccès de ces options, l'impression qui se dégage, c'est qu’ils cherchent dans plus de directions possibles, avec les autres forces de gauche et en toute transparence et loyauté organiques, des réponses à leurs ambitions avant-gardistes, et des solutions aux problèmes de leurs pays respectifs. C’est certainement plus difficile et plus risqué ; mais comme le recommande un proverbe local, « le meilleur marché est celui qu’on fait soi-même ».

 

* Concept que j'ai déjà utilisé dans une tribune en octobre 2018. Il renvoie à un ethos socio-politique, une quintessence des dires et pratiques publics du PCRV, de ses relais associatifs et de leurs emprises.



20/09/2021
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