Youssoufou Ouédraogo

Youssoufou Ouédraogo

Auto-cours de sociologie

« Je mettrai d’abord en relief une intuition de Durkheim que je crois essentielle. Il écrit : "L’individualisme, la libre pensée ne datent ni de nos jours, ni de 1789, ni de la réforme, ni de la scolastique, ni de la chute du polythéisme gréco-romain ou des théocraties orientales. C’est un phénomène qui ne commence nulle part, mais qui se développe, sans s’arrêter tout au long de l’histoire." » (Durkheim, [1893] 1960, p. 146). Cité par Raymond Boudon: https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-1-2006-4-page-877.htm

 

À Raymond Boudon revient le mérite d’avoir été l’un des premiers sociologues de sa génération à reléguer dans « les fausses querelles de méthode » l’opposition entre la compréhension et l’explication, défendue par des auteurs classiques comme Wilhelm Dilthey et Heinrich Rickert. Reprenant l’argumentation esquissée en 1967 (Boudon, 1967, p. 27-28), il déclarait dans son "Que sais-je ?" de 1969, que la notion de compréhension, « loin de définir une méthode caractéristique des sciences sociales », correspond à un moment de toute recherche. Cette phase de compréhension, écrivait-il, est d’importance variable selon les cas mais ne se suffit pas à elle-même et « par conséquent, ne définit pas une méthode » (Boudon, 1969, p. 18-21). Plus tard, Boudon explora la question de la compréhension sociologique de manière plus systématique et plus détaillée, en la mettant en rapport avec l’individualisme méthodologique et la rationalité de l’acteur, dans le cadre de trois postulats offrant une cohérence d’ensemble à l’élaboration théorique telle qu’il la concevait (Boudon, 2003, p. 19-27).

 

Trois postulats interdépendants

 

1 - Selon un postulat d’individualisme, l’explication d’un phénomène collectif passe nécessairement par l’exploration de comportements individuels, de leur logique et de la manière dont ils se combinent ou s’affrontent pour faire figure d’ensemble. L’individualisme comme choix de méthode implique donc que l’acteur individuel constitue l’unité élémentaire de toute analyse. Il s’impose toutefois de distinguer l’individu empiriquement observable et l’être humain idéal-typique qui fonde les raisonnements du sociologue. C’est dire que les explications formulées sur le mode individualiste sont basées sur une psychologie de convention attribuable à ceux que Boudon qualifiait d’acteurs banalisés. De telles explications, dites "individualistes", sont inséparables d’une certaine modélisation qu’autorise et rend possible le recours à des individus typiques.

 

2 - Un second postulat, dit « de la compréhension », implique que toute démarche individuelle peut être comprise. Les exemples offerts à l’appui de cette affirmation indiquent que c’est un sentiment d’évidence qui s’impose alors à l’observateur. Celui-ci considère comme allant de soi que le piéton regarde « à droite et à gauche » avant de traverser la rue (Boudon, 2003, p. 20). La logique de toutes les séquences comportementales ne s’impose certainement pas à l’esprit avec la même force d’évidence. Ce second postulat implique cependant qu’on peut en principe comprendre des actions plus complexes pour autant qu’on ait pris soin de s’informer suffisamment. Ce moment de la compréhension est essentiel, estime Boudon, si l’on accepte le postulat de l’individualisme (ibid. p. 20).

 

3 - Le troisième postulat – postulat de rationalité – repose en dernière analyse sur l’idée que l’être humain est un être de raison. Dans ses derniers écrits, Boudon admet explicitement l’existence de causes « identifiables » qui n’en sont pas moins "a-rationnelles". On peut éprouver "du dégoût devant tel mets que les Japonais considèrent comme une friandise". Il n’en reste pas moins – observe-t-il – que les comportements et attitudes dont "les sciences sociales ont à connaître sont principalement le produit de raisons" bien que celles-ci ne soient pas toujours perçues clairement par les individus concernés (ibid., p. 20-21).

 

Ces trois postulats – individualisme, compréhension, rationalité – sont en interdépendance constante. La compréhension, étape de l’explication, s’applique à des individus. Ceux-ci bénéficient d’une présomption de rationalité. Boudon dispose ainsi du socle d’une construction théorique solide, fondée sur une conception de la nature humaine inspirée de la philosophie des Lumières, sur une épistémologie « continuiste » visant à établir la sociologie comme science et sur l’ouverture aux mécanismes de la connaissance ordinaire.

 

Une notion ambiguë

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Suite sur https://www.cairn.info/revue-europeenne-des-sciences-sociales-2019-1-page-157.htm



09/09/2022
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